Dans un havre naturel au confluent de la rivière Saint-Pierre et du fleuve Saint-Laurent, ce site du Vieux-Port de Montréal, déjà repéré par Samuel de Champlain en 1611, se situe sur une pointe de terre qui portera le nom de Pointe-à-Callière.
L'emplacement du 357 de la Commune à l'ouest de la Pointe-à-Callière connait diverses phases d'occupation étroitement liées aux grandes étapes du développement économique de Montréal, et ce dès le début du Régime français. On y construira en 1648 le premier moulin à vent de Ville-Marie, puis ce même secteur servira à la traite des fourrures avant de devenir un chantier naval.
Vers 1747, les Sœurs Grises, administratrices de l'Hôpital Général de Montréal, font construire des quais situés sur les berges du fleuve Saint-Laurent, à côté du site de l'édifice actuel.
Les fouilles archéologiques exécutées sur le site en 1998 ont révélé les vestiges d'un vaste hangar à canots, construit en 1772 pour abriter les imposants canots de maître utilisés pour les grandes expéditions vers les réservoirs de fourrures du Nord-Ouest (Ethnoscop 1999).
L'ouverture en 1825 du Canal Lachine, dont l'entrée se trouve directement à l'ouest de l'emplacement présent du 357 de la Commune, ajoute au port de Montréal un accès direct vers les Grands Lacs.
Pendant la seconde moitié du 19e siècle, Montréal est le centre industriel, financier et commercial du Canada. Le creusement du chenal depuis Québec permet maintenant aux gros navires océaniques d'atteindre la métropole.
En 1868, le gouvernement canadien acquiert le secteur qui s'étend de la rue McGill à la rue Saint-Pierre sur lequel sera érigé l'Examining Warehouse, bâtiment des Douanes. Le gouvernement vend ensuite la section qui fait le coin des rues de la Commune et Saint-Pierre aux Commissaires du Port de Montréal.
Les Commissaires du Port décident alors de construire un immeuble pour abriter les bureaux administratifs du port de Montréal sur le site dont ils sont maintenant propriétaires. La conception du bâtiment est confiée aux cabinets d'architectes Hopkins & Wily et Alexander Cowper Hutchison, qui conçoivent un immeuble de style à l'italienne sur la base d'un plan évasé épousant la courbure de la rue de la Commune.
La construction du 357 de la Commune débute en 1874 pour se terminer en 1876.
Depuis 1876 l'édifice des Commissaires du Port est un point de repère important dans le quartier historique du Vieux-Montréal. De 1880 jusqu'à la fin des années 1960, il sera occupé par les bureaux administratifs du port de Montréal et autres ministères fédéraux.
A partir de 1960 l'immeuble devient en grande partie inoccupé. Le manque d'entretien et l'impact du temps sur la structure et l'enveloppe du bâtiment le détériorent lentement.
L'édifice est alors acquis en 1972 par une société d'importation de mobilier chinois, qui utilise l'immeuble principalement comme entrepôt de marchandises. Demeurant sans programme d'entretien important, la dégradation du bâtiment se poursuit jusqu'à l'acquisition de l'immeuble par Daniel Langlois en 1997 qui, comme beaucoup de Montréalais, trouve déconcertant qu'un immeuble comme celui-ci se retrouve abandonné et laissé dans un état de détérioration avancée, présageant sa disparition inévitable si aucune intervention de sauvegarde n'était mise en place.
Suite à l'acquisition, Langlois amorce rapidement un projet de restauration complète de l'immeuble, un projet qui s'avère absolument nécessaire non seulement pour stopper la détérioration visible du bâtiment mais aussi pour éviter un effondrement possible de l'édifice.
Pour accomplir cette mission de restauration impliquant de nombreux défis, la firme d'architectes Fournier, Gersovitz, Moss & Associés, maintenant EVOQ, reconnus pour leur expertise et la qualité de leur travail de restauration historique effectuée sur plusieurs immeubles d'importance au Canada, est retenue.
Les premières étapes du chantier de restauration sont amorcées à l'automne 1997.
Malheureusement, dès le début du chantier de restauration, les travaux exécutés par un entrepreneur provoquent un incendie majeur le 18 décembre 1997. L'incendie détruit entièrement des portions importantes de l'immeuble incluant la tour avec sa coupole, les 4e et 5e étages, en plus de complètement brûler ou endommager l'intérieur des 3e et 2e étages pour ne laisser qu'une enveloppe de pierre noircie.
Considérant l'étendue des dommages causés par l'incendie, Langlois fait alors face à un dilemme : doit-on remplacer ce qui reste du bâtiment originel des Commissaires du Port par une toute nouvelle construction, plus simple et plus rapide à construire, ou tenter de sauvegarder les ruines du bâtiment afin de reconstruire l'enveloppe du bâtiment originel ?
Compte tenu de la motivation de sauvegarde de l'immeuble lors de l'acquisition, Langlois décide de prendre la route de la reconstruction même si cette option sera plus longue et plus complexe que le projet initial.
Le projet initial de restauration est donc devenu par la force des choses un projet de reconstruction d'une ampleur beaucoup plus importante que prévu, incluant non seulement la remise en place de l'enveloppe extérieure détruite, mais aussi la reconstruction des étages disparus et celle de tout l'intérieur du bâtiment, complètement ou sérieusement endommagé par l'incendie.
Le temps presse car pour que le projet de reconstruction soit possible, les ruines du bâtiment doivent rapidement être protégées des intempéries. Une enveloppe temporaire couvrant l'immeuble en entier est alors mise en place comme protection et permettra le début des travaux.
Un des impacts collatéraux associés aux délais requis pour la reconstruction du 357 de la Commune est l'impossibilité de son occupation par la maison mère de la fondation Daniel Langlois qui devait occuper l'immeuble une fois celui-ci rénové. Compte tenu de l'ampleur et la durée prolongée des travaux de reconstruction, cette occupation ne sera plus possible aux dates prévues au départ.
Protection des ruines
Dégarnissage complet du bâtiment et stabilisation
La reconstruction débute par l'excavation des fondations originelles endommagées par le temps et qui avaient la particularité d'être érigées sur des patins de bois, l'empattement reposant sur une poutre ou un tronc d'arbre placé dans l'alignement des murs.
Pour stabiliser l'édifice, les fondations originelles doivent être remplacées par de nouvelles fondations en béton, construites plus profondément que les fondations initiales pour atteindre les niveaux de sol naturel. Ceci permettra l'ajout d'un deuxième sous-sol pour loger les nombreux équipements modernes de mécanique en bâtiment.
Des coffrages en béton sont également intégrés à la structure de pierre des murs extérieurs et intérieurs afin de consolider toutes les ouvertures des portes et fenêtres.
La deuxième étape consiste à réparer, nettoyer et remettre en place tous les éléments de pierre constituant l'enveloppe principale du bâtiment. Puisqu'une grande quantité de ces éléments se sont écroulés ou ont été détruits lors de l'incendie de 1997, ils doivent être reproduits par des maçons spécialisés, habilités à sculpter la pierre en utilisant tout autant des techniques traditionnelles que modernes.
La tour de pierre qui supporte la coupole est une des portions de l'édifice les plus endommagées. Elle doit être entièrement démontée et refaite à neuf en combinant éléments anciens et nouveaux.
Reconstruction des sous-œuvres et excavation pour l'ajout d'un sous-sol
Nettoyage et préparation des pierres, reconstruction de la tour
Parce que les structures de la mansarde formant le 4e étage ainsi que la coupole de l'édifice originel étaient construites en bois, ces étages ont entièrement été détruits par l'incendie de 1997. De plus, les dommages causés par le feu et l'eau s'étant étendus à tous les étages intérieurs de l'édifice, ceux-ci ont été affaiblis irrémédiablement car les charpentes des planchers et des murs de division de ces étages inférieurs étaient également construits en bois.
Très peu d'éléments intérieurs du bâtiment originel ont survécu à l'incendie, sauf quelques boiseries de l'une des petites pièces situées en retrait au 2e étage.
Il a donc fallu remplacer en plus de la coupole tous les éléments structuraux de l'intérieur du bâtiment. Afin de bâtir à neuf une nouvelle ossature solide et durable également plus résistante aux incendies, l'acier et le béton ont été choisis comme matériaux pour substituer toutes les structures de bois de l'édifice dans son ensemble.
La structure de la nouvelle coupole a été entièrement assemblée au sol devant l'édifice puis soulevée d'une seule pièce jusqu'à sa position finale au sommet de la tour de pierre.
Suite à la construction des nouvelles structures en acier et en béton en 1999, l'intérieur du bâtiment et la coupole sont formés d'éléments modernes offrant de nouvelles possibilités d'aménagement, certains ayant permis de rendre l'immeuble conforme au code du bâtiment en vigueur, comme l'intégration de multiples escaliers d'urgence invisibles de l'extérieur.
Construction des nouvelles structures en acier et en béton
Assemblage et pose de la coupole
La touche finale de l'enveloppe du bâtiment a été l'habillage en métal de la nouvelle coupole et de la mansarde du 4e étage.
Bien que la finition des derniers étages de l'immeuble originel était faite de tôles de métal, le cuivre, plus durable et plus représentatif de la prestance de l'édifice, a été choisi pour la reconstruction.
La conception originelle du revêtement de la mansarde avait une particularité intéressante : les tôles de métal avaient été façonnées pour émuler l'aspect de la pierre de taille. Le même concept a été repris dans tous ses détails pour la reconstruction mais cette fois-ci en utilisant le cuivre étamé (plombé).
Pour la reconstruction de la coupole, le cuivre naturel a été utilisé, et tous les éléments décoratifs de la coupole originelle ont été reproduits sauf en ce qui concerne les faux hublots du design initial, qui ont été transformés cette fois-ci en vraies fenêtres rondes, apportant plus de lumière naturelle. L'intérieur de la coupole est maintenant devenu une pièce réellement utilisable qui sert également d'accès à une grande terrasse sur le toit, ajoutée suite à la construction de la nouvelle ossature interne en acier.
Le travail attentionné d'une équipe d'artisans très expérimentés a permis d'obtenir la finition exceptionnelle des éléments de cuivre qui habillent maintenant le 357 de la Commune.
Reconstruction des corniches et du revêtement de la mansarde en cuivre étamé
Reproduction en cuivre naturel de la coupole
En parallèle avec les travaux de reconstruction de l'enveloppe du bâtiment principal, un tout nouveau pavillon a été construit à l'arrière de l'emplacement de l'édifice originel. L'empreinte au sol du nouveau pavillon correspond sensiblement à celle proposée en 1913 par les architectes Maxwell Brothers pour une addition potentielle ainsi qu'au bâtiment en blocs de béton qui avait été construit en 1958 pour abriter un garage et des espaces à bureaux.
Inspirée des structures secondaires, souvent vitrées, qui étaient adjointes à certains des manoirs montréalais de la seconde moitié du 19e siècle, un des objectifs derrière la création du nouveau pavillon était de concevoir une nouvelle addition basée sur des technologies et concepts d'architecture contemporaine du 21e siècle tout en mariant l'insertion du nouveau pavillon avec le bâtiment originel, à la fois au niveau des volumes, des matériaux et de la transparence.
Le nouveau pavillon, composé d'une grande verrière et d'une tourelle revêtue de moellons rappelle les formes du moulin à vent construit sur le site en 1648. Le pavillon maintient par sa transparence un contact visuel direct avec l'édifice originel. Il offre une grande salle ouverte dotée d'une belle luminosité naturelle qui présente des possibilités d'utilisation complémentaire aux usages des espaces intérieurs de l'immeuble principal, comme une piscine dont le bassin peut être recouvert pour devenir une salle d'exposition, de performance, etc.
Le nouveau pavillon et sa verrière achevée
Les principaux travaux de reconstruction de l'immeuble des Commissaires du Port ont été achevés vers la fin de l'année 2000.
Le 357 de la Commune possède depuis une façade de pierre méticuleusement reconstruite et solidifiée structuralement aux étages inférieurs et, aux étages supérieurs, une nouvelle mansarde et une nouvelle coupole reproduisant les éléments architecturaux d'origine.
L'intérieur de l'édifice est, quant à lui, une construction entièrement nouvelle qui inclut tous les services mécaniques d'un bâtiment moderne. Une attention particulière a été portée à l'intégration de l'ensemble des systèmes mécaniques et des escaliers d'urgence pour que ceux-ci soient invisibles de l'extérieur afin de conserver à l'immeuble une apparence similaire à celle de l'édifice originel.
La construction des nouvelles structures internes sur tous les étages du bâtiment a permis d'améliorer l'utilisation des volumes de l'édifice, permettant ainsi la création d'aménagements intérieurs variés, combinant à la fois des espaces d'inspiration traditionnelle à d'autres au design purement contemporain.
Le nouveau pavillon avec sa verrière, situé à l'arrière du bâtiment principal, apporte une touche clairement contemporaine à l'ensemble, soulignant que l'édifice des Commissaires du Port, bien que plus que centenaire, est aussi un lieu tourné vers l'avenir.
Le 357 de la Commune maintenant
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